Alexandre recula pour mieux voir. Derrière lui, assis par terre le masque à oxigène dans la main gauche, Benoît fixait la même chose que son père. "Alors ? S'exclama le père. C'est pas mal hein. Joe la bricole c'est qui ? Hein ?
Benoît sourit. Il avait maigri et pourtant son appétit était impressionnant à voir. De vilaine cernes mauve marquaient à présent ses yeux, signe de toutes ses nuits sans fin où il ne parvenait pas à trouver le sommeil avant l'aube. Les voix dans sa tête ne cessaient d'aller et venir. Il ne comprenait pas tout. Le Sud, elles évoquaient souvent le Sud. Et puis d'autres voix, enfin plus des émotions, des images venaient brouiller tout ça. Il n'avait pas osé en parler à son père, mais au fond de lui il se doutait de leur provenance. Les images étaient sombre ssouvent et parfois empruntes d'un sentiment nostalgique et douloureux. Pour lui il ne faisait aucun doute qu'il captait certaines pensées des Macaques. Peut-être pas tous, mais certains, peut-être que certains d'entre étaient aussi doué de télépathie sans le savoir. Mais jamais leur pensées ne se formulaient par des mots, ils avaient définitivement perdu le sens de la parole. Pourtant Benoît sentait parfois poindre l'être humain qu'il avait été.
_ C'est toi papa.
_ Je te le fais pas dire."
Alexandre admirait la Twingo transformée avec fierté. Trois semaines venaient de s'écouler. Les attaques de Macaque étaient faibles et sans grand danger. Il avait donc passé ces trois dernières semaines à fouiller la ville pour bricoler sa voiture. Ainsi Benoît pourrait sortir sans masque. Le problème étant à présent le carburant. Bien qu'il n'est pas souvent eu à utiliser sa voiture depuis le Virus, même un plein complet de twingo ne les ménerait pas loin. 500, 600km tout au plus. Dans les premiers jours du Virus, il n'avait pas eu la présence d'esprit de faire des réserves de carburant, enfin peu de monde avait eu la présence d'esprit de quoi que ce soit. Il était pourtant convaincu qu'il trouverait de l'essence quelque part. Déjà il irait syphonner toutes les voitures encore présentes dans le parking, autant dire qu'il en ferait vite le tour. Ensuite, il aviserait.
Benoît lui saisit le bras. Il sursauta presque. "On va partir alors. dit-il faiblement de sa voix sifflante.
_ Oui, Alexandre déglutit, oui mon grand on va partir vers le Sud."
Et aujourd'hui, alors qu'elle se souvenait de son premier shoot de Macaque, elle se demandait bien comment elle allait faire pour continuer sa route. Dans son ventre elle sentait que le temps pressait, qu'elle devait trouver une solution. Mais elle avait peur, si peur. Ces gens à eux deux suffisaient à les maintenir prisonnières de cette ferme. Francis était un homme menaçant et autoritaire, il était impossible de juger de son humeur, il pouvait tout aussi bien rire en vous tabassant. Quand à sa femme Hélène, Léa la soupçonnait d'être bien pire. Jamais un sourire n'éclairait son visage et parler semblait lui coûter. Peut-être même que Francis craignait Hélène.
Les journées se déroulaient toujours pareil, si bien qu'elle avait aucune marge de manoeuvre. Le matin c'était le shoot aux Macaques. Puis ils allaient les récupérer, et l'aprés-midi les dépecer. Elle ne s'y faisait pas. Les tripes et l'odeur du sang. Se dire que ces monstres avaient été des humains quelques mois plus tôt. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait rendu tripes et boyaux à se spectacle. Ca faisait bien rire Francis par ailleurs.
Chaque jour Lili semblait plus faible. Jamais ils ne la libéraient de sa cage. Ils la changeaient simplement de place, pour ne pas habituer les Macaques. Mais ils venaient de moins en moins nombreux. La semaine passée, pendant toute une matinée, Léa n'en vit pas un seul. Et Lili ne miaulait plus. elle essayait bien de lui parler, de penser trés fort, mais la chatte ne répondait plus. Elle lui promettait de la sortir de là, de les sortir de là. Sans jamais parvenir à trouver la force et le courage. Ces derniers la quittaient chaque jour un peu plus. L'horizon se ses pensées s'assombrissait. A ce rythme là elle allait oublier de partir.
Quand son pied glissa dans la gadoue, sa main se rattrapa automatiquement à une barrière qu'elle n'avait pas encore remarquée. Sa vue devint plus nette encore, son esprit se stabilisait. Est-ce qu'il tirait sur Lili ? Est-ce qu'il lui demandait de tirer sur Lili ? Son chat, son amie ?
"Non, marmonna-t-elle plus pour elle même. je ne vais pas tirer.
La carabine tomba au sol.
Il la ramassa.
_ Quoi, j'ai pas entendu ??!!Il lui recolla la carabine dans les bras. Tu te tourne et tu tire.
_ NON ! Elle avait beau être trouillarde, pour Lili elle ne réfléchissait même pas.
Il la saisit au collet et lui colla le visage contre la barrière. Léa pu admirer le grillage au dessus de sa tête.
_ Tu vas tirer, articula-t-il avec violence retenue, sur ces Macaques. Pas ton chat. Bougre d'imbécile.
Ces derniers mots, dits sur ce ton lui arrachèrent un sourire. C'était incongru, décalé. Il pouvait lui défoncer le crâne sur le bois de la barrière, sa voix lui disait qu'il en était capable, mais cette insulte n'avait pas de poids. c'était ridicule.
_ Tu m'as compris ?
_ Oui." Cracha-t-elle.
Elle releva le coude, soutint la carabine, visa et vis ce qui l'horrifia. Lili était enfermée dans une cage, pendu à un arbre. Une horde de Macaque sautait, courait, se battait juste en dessous. Ses bras faiblirent. Dans quelle maison était-elle tombée ?
Il la bouscula, la tirant de sa torpeur.
" TIRE !" Elle s'exécuta. Le bruit ranima sa douleur à la tempe. Au loin un hurlement inhumain rebondit jusqu'à eux. Un Macaque s'affaissa. "Ouai, il passa son bras autour de son cou, je savais bien que tu savais faire ça.
Léa posa la carabine le long de la barrière.
_ Liberez là, si jamais ils arrivent à l'attraper, elle déglutit, ils vont la tuer
_ bien pire, ils vont la déchiqueter et la bouffer. Francis éclata de rire. T'inquiète c'est pas dans notre intérêt. Allé, tire encore. J'ai ai deux dans la grange à vider. Il lui tapa dans le dos. Aprés on parlera de la suite."
Il rit en s'éloignant.
De difficile, sa vie était brutalement passée à cauchemardesque. Bien entendu elle ne craignait plus de se faire attaquer par un Macaque pendant la nuit. Mais c'était bien pire. Chaque minute elle craignait pour la vie de Lili. Hélène avait surgit de l'ombre pendant que Francis la tenait, et elle avait passé un collier de force à Lili. La chatte s'était battu avec ferveur, mais l'accariâtre Hélène l'avait assommée, sans sommation. Léa avait alors vu le sang vermeille tâcher la fourrure si belle de son amie. Elle avait crié comme si le coup lui avait été porté à elle. Et Francis en avait profité pour l'empoigner aux deux bras. Il riait. Au départ elle n'avait pas identifié ça comme un rire, mais c'était pourtant le cas.
Sa première crainte fut qu'ils ne la tuent, et la mangent ou peut-être qu'ils l'échangent sur un marché, elle en avait entendu parler, les animaux qui ayant muté comme elle se vendaient bien.
Il n'en fut rien. Francis la frappa à la tempe, elle sombre à son tour.
Quand elle reprit connaissance, il faisait toujours jour. Elle se gratta la joue, le sang séché s'écailla. Dans son crâne résonnait toutes sortes de bruits, réels ou non, pas moyen de le savoir.
Le soleil déchira ses paupières, elle plissa les yeux. Dehors, elle était dehors. Les images floues, la terre, de l'herbe. "Lili" Bredouilla-t-elle. "Lili ?" Sa tête était si lourde et embrouillée. Elle tenta de se mettre debout. Le monde oscilla. Un éclair vrilla son cerveau. Elle lâche un cri en retombant au sol. Le bruit se répercuta encore et encore. Elle se tint la tête à de mains, désorienté. Un son traversa le brouillard de son esprit. On la saisit sous les bras pour la mettre debout. Une voix. "Debout, c'est ton tour" Dit la voix. Léa bascula à genoux. Un coup atteint son ventre. De nouveau allongé au sol. Elle ne comprenait rien. Pensait juste à Lili. Morte ou vivante. Oh Lili, c'est de ma faute tout ça, pensa-t-elle si fort que son crâne souffrit encore. Et de quelque part si loin lui sembla-t-il, lui parvint un sentiment chaud et rassurant, une émotion douce. Lili était vivante.
On la souleva avec plus de violence cette fois. Dex mains emprisonnèrent son visage. L'image floue, se fit plus nette. Francis. Elle gémit. "C'est ton tour". Il la poussa et lui mis dans les mains une carabine. "TIRE". Comme elle battait des paupières, un tâche plus claire à l'horizon attira son regard. LILI. Son coeur s'arrêta.
Les minutes s'égrènent, Il attend
Mais pas pour longtemps
Les bruits que tu entends
C'est lui, impatient
Dans le noir de sa cachette
Il te guette
Puissant et misérable
Si tu t'en crois capable
Alors cours, fuits, pars
Ne te retourne pas car au son de tes pas
Il te suivra, ta peur comme odeur
Une trace de sueur, il sera là
Prend ton courage à deux mains
Et serre le si fort
Presse contre ton corps
Que tu n'auras peur de rien
Sans emprise le mal n'est rien
Sans emprise il te laissera encore demain
Et recommence, avance
Lutte bat toi, forte défense
Les rayons du soleil ne le font pas fuir
Mais la nuit n'est pas son amie
Pas de menace pour le punir
Et quand tout sera fini
Regarde par dessus ton épaule
Ce que tu vois te console.
J'erre à travers les ans sans savoir
J'avance et je n'ai pas besoin de voir
Si la fin du monde viendra de moi
Car jamais mon coeur ne bat
Même si je ne me souviens plus
Pourquoi mon coeur ne bat plus
En mon esprit torturé
Dansent les âmes mortes des damnés
Innocents et autres trépassés.
Et parfois j'entend leur voix chanter
Elles murmurent les secrets du passé
Si tôt entendus si tôt oubliés
Ma mémoire n'est plus ce qu'elle était
Pourtant je sais par ces chansons
Que je suis un Démon
Je suis un monstre, un être à part
Y'a des images qui tard le soir
Animent en moi la créature
Celle qui vous suit, mauvaise augure.
Je hurle, je griffe et je dévore
De vous défendre vous auriez tord
Car mon plaisir je vous l'accorde
Vient de la peur et la discorde
Si la souffrance vous fait offense
Elle est pour moi douce comme l'enfance
que je vivais au fond d'une cave
L'odeur obscure est si suave
Tremblez ! Tremblez à mon reflet !
Qui dans votre âme peut vous blesser
Le rouge n'est pas dans les couleurs
Ma préférée c'est une erreur
Mais bien le noir du néant
Où je retourne de temps en temps
Je n'y vais jamais seul, toujours
Je m'accompagne des êtres pour
Lesquels je réserve toujours
Un sort à part et pas trop court
Chaque matin diffère
Du précédent, du suivant,
Pas d'habitude à faire
Pas d'envie pas le temps
Elle traverse le monde
La Terre en une seconde,
Pour elle pas de frontière
Demain bien moins qu'hier
La liberté dirait-on ?
La sollitude sans compagnon
Pas d'attache, la vie est belle ?
Pas une âme ne prend soin d'elle
Elle n'appartient à personne ?
Mais elle ne reçoit rien en somme
Elle est seule ou unique
Et ce don paraît magique
Pourtant la mélancolie la suit
De lit en lit, d'hôtel en hôtel, de pays en pays
Puis elle se dit la vie est courte
Elle est bien seule pour faire la route